vendredi, février 24, 2006

L' Ivresse du Pouvoir



"Je te dirai après ce qui te manque", déclare avant leur séparation le mari de la juge incarnée avec justesse, finesse par Isabelle Huppert. Son ivresse du pouvoir lui retire peu à peu l'essentiel: vie privée, humanité. Eva Joly, pardon le Juge Charmant, ange exterminateur insatiable n'abandonne son masque qu'avec son neveu Félix. Pourquoi?
Elle retrouvera son humanité lorsqu'elle sera confrontée à son tour à la violence du suicide de son mari. Sur ce registre personnel le film est réussi .
Mais ce film a aussi l'objectif de dénoncer ( encore un film sur ce thème!)le dérapage des grands de ce monde: pouvoir politique et pouvoir de l'argent qui se confondent dans les "magouilles"…. L'affaire Elf servant d'illustration à ce modèle universel…La reconstitution historique était juridiquement risquée ; Chabrol a donc choisi de faire semblant et nous voila poussés à jouer au jeu des 7 erreurs plutôt que de profiter d'un bon moment de cinéma! D'autant que les personnages sont tous excellents et plus vrais que nature ( mention spéciale à François Borléand et Jean-François Balmer) à l'exception de Patrick Bruel improbable "dernier dirigeant du groupe Elf qui s'est fait un parachute en or" pour tous ceux qui ont croisé ce personnage.Dommage la véritable "affaire" était encore plus complexe et plus croustillante! Mais le vrai n'est pas toujours vraisemblable.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Claude Chabrol signe ici un duel sur les hauteurs de la République des affaires. Jeanne Charmant-Killman (Isabelle Hupert dont la prestation est impeccable) est juge d'instruction. La juge aux gants rouges traque sans relâche ses hommes arrogants aux costumes épinglés d'une rosette rouge de la Légion d'honneur qui naviguent dans le monde des affaires. Le Piranha est l'incarnation de la justice : intraitable, stoïque, intransigeante, pleins de principes et faisant abstraction du reste.

Face à elle, le président Humeau (François Berléand), dirigeant d'un grande société, est la victime de ces agissements personnels, de l'ambition de Sibaud (Patrick Bruel) son successeur et accessoirement l'informateur de Charmant-Killman ainsi que du dédain de ces partenaires d'abus de biens sociaux. Aux antipodes de la psychologie de la juge, Humeau a été conciliant avec ses principes jusqu'à les oublier.

Dans cette confrontation, les pressions sont innombrables. La réussite de la juge lui donnera peu à peu le vertige pour être peu à peu écarté de sa vie par son mari, de ses dossiers par sa hiérarchie. Si ce n'est pas un film militant, ce chef d'oeuvre s'inscrit pleinement dans l'actualité. Chabrol plein d'insinuation distille, à un moment où les pouvoirs des juges d'instructions sont remises en cause, son regard de la justice et des affaires.

« Toute ressemblance avec des personnages existants serait fortuite »